Nathan Russell est un sympathique (du moins en podcast) australien qui est l’auteur de FU : le système Freeform Universal. La première version de FU date de 2011 et elle a eu son petit effet, même si FATE était arrivé sur le marché bien avant avec une philosophie similaire, c’est à dire : un système de simulation simple, avec des mots clefs et des dés carrés (d6 ou dfate).
Lorsque FU 1.0 est paru, FATE avait déjà largement remporté la partie en devenant un système marquant et rapidement incontournable avec sa version 2013 (en quelque sorte sa quatrième édition).
C’est donc, dans l’ombre géante de FATE, que notre petit FU a tranquillement vivotait tout en rencontrant sa petite communauté de fans. Ainsi, une ou deux versions plus ou moins alternatives à la base ont vue le jour. Je pense au hack FUBAR ou encore à la version de Earthdawn. Je pense aussi à Friponne, une création française.
En 2020, Nathan Russell livre une version BETA non finalisée de FU V2.0. Il ne l’a toujours pas, en ce début 2024, sorti de son statut de Bêta mais n’a pas chômé pour autant. Il a ainsi déployé un système parallèle s’appuyant sur les bases de cette FU 2.0 : Action Tales!
Le premier contact avec ce « built » de FU 2.0 a eu lieu avec le genre cyberpunk. Nathan Russel édite, via sa société Peril Planet, Neon City Overdrive, en posant les bases du système actuel.
En l’occurrence des mots-clefs de type : concept large, meta-caractérisation, spécialités, capacités représentatives, contextes, ambiances, etc.
Nous sommes très très proches de l’esprit de Questworlds, et par extension de FATE.
Le moteur de simulation
Le coeur du moteur de Action Tales! et de FU 2.0 est simple : résoudre une action signifie composer une poignée de d6 en fonction de tous les mots-clefs qui peuvent logiquement s’appliquer à la situation, tant en positif qu’en négatif. Les valeurs des dés négatifs annulent les valeurs similaires des dés positifs. Les dés positifs restants déterminent le résultat en prenant la valeur la plus avantageuse ou la « moins pire » pour résoudre la scène.
Dans Action Tales!, on trouve une gamme de résultat moins large que FU 1.0 ou la bêta 2.0. Le « Non Mais » disparait. Le « Oui Et » s’obtient en fonction du nombre de 6 supplémentaires restant en plus du 6 gagnant.
La mécanique de résolution est donc très épurée. Pas vraiment de jets poussés à la YZE (Year Zero Engine), pas de tirage à l’aveugle dans un sac à la Not the End, pas de set de dés à la D&D, de dés explosifs à la SWADE, d’attrition à la Abstract Dungeon, de symboles à la Genesys. Juste des dés qui s’annulent à valeur équivalente.
Cette mécanique de simulation a le défaut de sa vertu. C’est certes simple, mais cela demande un travail d’explicitation pour finaliser le processus de décision et de mise en place. Nous sommes ici dans le groupe des systèmes dit « légers » : entendez par là, avec peu de mécaniques et de sous mécaniques, souvent unifiées et à la lecture la plus rapide possible. À l’opposé, on trouve le groupe des systèmes qui cadrent complètement la résolution avec des mécaniques plus ou moins techniques et précises, se démultipliant pour chaque cas d’usage.
A la première lecture, le moteur d’Action Tales! semble un peu plus fluide et simplifié que FATE car il n’y a pas de compétences en plus des Trait/Aspects. Action Tales! se focalise complètement et uniquement sur les mots-clefs, rien que les mots clefs. Mots-clefs qui s’empilent pour ajouter des dés 6 à la poignée. Il est en cela, équivalent à la proposition de Questworlds qui, lui aussi, se concentre uniquement sur des mots-clés, mais n’usant que d’un seul d20.
Nathan R. livre donc un système dit « simple » mais, comme souvent, pas si « facile » que cela à prendre en main par un pur débutant qui souhaiterait le maîtriser. Car la mécanique qui constitue la poignée de dés positifs (dés d’action) et négatifs (dés de danger) nécessite d’explorer l’image de la scène en cours, les possibilités des participants, l’environnement direct ou indirect pouvant influencer les évènements, pour au final arbitrer en permanence le choix des mots-clefs pouvant être déclenchés.
Alors oui, la logique et certaines règles guident les décisions, mais cela reste un système qui n’est pas à l’abri des discussions ou des tractations avec les joueuses ou joueurs qui essaient de « gratter » du bonus à tout prix, expliquant comment leurs mots-clefs peuvent agir en la circonstance, quitte à les étirer au-delà de leur champ des possibles. C’est le risque, mais on voit aussi cela dans Fate ou Questworlds. Et disons, que le ou la MJ devra savoir guider les usages des mots-clefs avec les concessions nécessaires à l’amusement de tous et toutes, la maestria potentielle de la scène, la qualité des descriptions, ses propres objectifs d’amusement, et l’harmonie autour de la table. Bien entendu, je pense résumer là toute partie de JdR. Cependant avec des systèmes plus META que PRECIS, certains aspects de la séance seront peut-être un peu plus présents ou, pour certains, pesants.
Au-delà de cet aspect de maîtrise, pour moi, le possible vrai point délicat du système, ce sont ses probabilités de résolution. Ici, nous ne sommes absolument pas dans la lecture facile qu’offre les systèmes à pourcentages ou plus largement les systèmes chiffrés qui disposent d’une valeur cible qu’il faudra dépasser ou ne pas dépasser.
Dans FU 2.0, ou son fork « Action Tales! », la mécanique vise à multiplier le nombre de dés d’action (positif) pour tenter d’augmenter la chance d’obtenir une valeur faciale représentant la réussite (6 pour oui, ou 5 et 4 pour un oui mais). Le calcul de probabilité à ce niveau est accessible, mais lorsqu’il faut ajouter des dés de danger (négatif) qui peuvent annuler les valeurs des dés positifs, ça se complique vraiment.
La question des probabilités d‘Action Tales !, et par extension de FU 2.0, a été abordée sur quelques forums. Elle titille logiquement les neurones des rôlistes matheux. La réponse n’est pas aussi aisée que pour d’autres systèmes.
Heureusement une bonne âme a produit de savants calculs donnant des histogrammes facilitant la perception probabiliste du système : trouvé sur le Facebook d’Action Tales ! LE LIEN ICI.
Mais retenez au final que le système ne réfléchit pas en logique de précision. Il utilise des méta-mots-clefs et son système de résolution est aussi dans cette logique de la meta-probabilité.
A l’usage, en fait, les résultats sont intuitivement conceptualisables : si le nombre de « danger die » est supérieur à celui des « Action die », les chances globales de réussite diminuent. Mais en quelle proportion ? Difficile à clairement évaluer avec précision. Disons que la logique mathématique sera respectée tout de même, avec sa part de chaos inhérente.
Pour appuyer les tableaux statistiques trouvés à partir du facebook d’Action Tales ! puis de reddit, je me suis essayé à quelques tirages.
Prenons une résolution mettant en jeu 2 dés d’actions face à, pas moins, de 5 dés de dangers. Logiquement, les chances de réussite sont faibles. Voyons cela.
- Ça vaut ce que ça vaut, mais sur 100 lancés, nous obtenons : 10% de OUI, 18% de OUI MAIS, 24% de NON et 47% de NON ET (c’est-à-dire Fumble critique). A noter un seul double 6 sur les deux dés d’action, mais dont l’un des 6 a été annulé.
On le voit, les chances de réussite complètes, ou avec contre-partie (oui mais) sont d’environs 30% avec prédominance du OUI MAIS. Et tout de même plus de 45% d’échec critique ! - Refaisons le test avec 100 lancés, mais cette fois avec un dé danger en moins soit 2 dés d’action contre 4 dés de danger. Nous obtenons logiquement de meilleur résultat vers le positif : 16% de OUI, 31% de OUI MAIS, 25% de NON et 28% de NON ET (c’est à dire Fumble critique).
- Maintenant, essayons avec 2 dés d’action contre 2 dés de danger. Nous obtenons toujours sur 100 lancés : 23% de OUI, 38% de OUI MAIS, 25% de NON et 13% de NON ET (c’est-à-dire Fumble critique). On bascule dans le positif.
Résumons tout cela avec quelques combinaisons supplémentaires (+ pour action, – pour danger) :
2d+ vs 5d- | 6d+ vs 10d- | 2d+ vs 4d- | 2d+ vs 2d- | 3d+ vs 2d- | 4d+ vs 2d- | |
OUI ET | 0% | 9% | 0% | 1% | 8% | 8% |
OUI | 10% | 15% | 16% | 23% | 22% | 29% |
OUI (NON) MAIS | 24% | 33% | 31% | 38% | 45% | 56% |
NON | 24% | 21% | 25% | 25% | 22% | 8% |
NON ET | 47% | 22% | 28% | 13% | 8% | 0% |
Que penser de ces résultats ? Sur 100 tirages on ne peut guère espérer obtenir des pourcentages très réalistes. Cependant, comme je l’écrivais précédemment :
- D’une part, plus le nombre de dés de dangers dépassant celui des dés d’actions est élevé, plus les chances de grosse catastrophe sont importantes. Intuitif, mais pas précis ! Inversement, plus le différentiel de dés est en faveur des dés d’actions plus les chances de réussites augmentent. Logique.
- MAIS, plus le nombre de dés d’actions est élevé, plus on réduit l’impact du différentiel avec les dés de dangers (voir la deuxième colonne 6d+ vs 10d-
- Enfin, on notera que le OUI MAIS prédomine logiquement (Sur 4 et 5) sur le OUI et le OUI ET. Cela induit un MJ à l’aise avec les aspects narratifs que convoque le OUI MAIS.
À terme, ça serait facilitant pour les débutants que Nathan R. mette à disposition une table croisant dés d’action et dés de dangers sur 10 lignes/colonnes, et donnant les pourcentages pour chaque niveau de succès ou d’échec. Mais ce n’est pas l’esprit du système je pense, bien que cela puisse aider un peu au début.
En conclusion de tout cela, le système reste assez plaisant à l’usage. Les poignées de dés ne sont pas trop inflationnistes, entre 4 et 8 tous les dés compris, et la lecture des résultats revient à faire le tri. Notons que le MJ ne jette jamais les dés : un plus pour ce type de système ou la MJ devra se concentrer sur les choix et le narratif.
Je ne suis pas un fanatique des poignées de dés, mais ici, c’est la constitution de la poignée qui peut avoir de l’intêret. Pour le reste il suffira de lire le résultat d’un dé après élimination.
Je reviendrai dans la conclusion sur mon avis concernant cette motorisation.
Cela étant dit, abordons la trilogie des cités imaginées par Nathan Russel : Neon CITY Overdrive, Hard CITY, Tomorrow CITY. Trois villes, trois genres ! Une chouette idée qui rappel de loin les Worlds de Kevin Crawford. On parlera rapidement aussi de Star Scoundrels, son petit JdR pour émuler du pseudo Star Wars côté mercenaires.
En préambule, il faut souligner que le moteur d’Action Tales! se complète au fur et à mesure de la production des JdR sur les cités de genre.
Ainsi, Neon City Overdrive mériterait une V2 (en omnibus par exemple) incluant les bonnes idées et clarification des productions qui l’ont suivi. A ce titre, Nathan R. prépare n’ont pas une V2 mais un cinquième supplément nommé « DCL », compilant plusieurs niveaux d’informations et de nouveautés. Pour moi, la version du moteur la plus aboutie se trouve dans Tomorrow City qui définit clairement les effets de certains mots-clefs d’équipement d’armement, mais aussi de puissance.
Commençons par Neon City Overdrive (NCO).
D’abord, c’est un très bon titre de jeu dans l’univers des titres de JdR Cyberpunk. « NCO », pour ce qui me concerne, ça envoi plus d’imaginaire que Cyberpunk Red, ou Shadowrun, ou encore, Interface zero. Ensuite, même si la maquette du produit reste basique, elle possède une très agréable ligne de couleurs entre le violet, rose, bleu et jaune. Et je ne parle pas des couvertures que je trouve personnellement très belles.
Quatre livrets composent l’ensemble de la gamme. A ce jour, dans la triologie des cités, c’est le seul titre qui se décompose en quatre parties : les règles de base, un supplément sur les psioniques, sur la matrice, et sur les morphotypes et le transfert de conscience. Il manquerait à mon goût un supplément sur l’équipement-véhicule-mecha-cyber et sur les corpos pour parachever la proposition.
Mais, déjà, avec les quatres livrets, il y a de quoi composer une bonne saveur cyberpunk. Cette « cité là » a été édité par la société de Nathan Russell : Peril Planet. Les deux autres productions sont sorties chez OSPREY, avec une ligne graphique moins enthousiasmante et en un seul volume.
NCO pose les bases de l’Action Tales! : des trademarks, des triggers précisant les trademarks, des edges, flaws, drive et gear.
- Les Trademarks (sorte de signature sous la forme d’un mot-clef) vont définir le métier/rôle du personnage, son type d’humanité, son historique/culture, sa personnalité et ses cyber-augmentations.
- Les Edges (sorte davantage, de capacités spécifiques) vont continuer de particulariser le personnage, généralement en s’inspirant des triggers (aspects) contenu dans les trademarks … ou non…
- Les Flaws (défauts, faiblesses) continuent de participer à la définition du personnage.
- Le Drive (la voie suivie par le personnage) lui donne un but, un objectif.
- Les Gears (équipement) représentant le matériel particulier ou significatif parachèvent le tout.
En 72 pages, le livret des règles propose, outre la création du personnage, les règles de jeu, un bestiaire classique et court, et quelques générateurs aléatoires, notamment de missions. C’est concis, sans ambiguïté, plutôt rapide à lire, assez bien organisé avec une maquette claire.
Mais il y a un petit goût d’inachevé. Car là où NCO devient complet, c’est au travers des trois autres livrets.
- Skin Jobs décrit toutes les manipulations que le cyberpunk peut imaginer sur les enveloppes corporelles, incluant le transfert de personnalité et de mémoire. Idéal pour du Ghost in the shell.
- The Grid donne toutes les règles sur la matrice. Idéal pour du Neuromancien
- Psions : cerise sur le gâteau, un livret sur les pouvoirs psy.
Si l’on voulait pinailler, il manquerait un livret d’équipement et peut-être un livret autour des corpos et des villes.
Hé oui, car avec un système de mots-clefs, il est facile de tout codifier assez simplement. Fate nous a montré la voie.
A la lecture de l’ensemble, je me suis dit à l’époque qu’il manquait parfois des précisions sur l’usage de « Tag » d’équipement, même pour un système très narratif. Ainsi, prenons un tag (trait) d’une arme : deadly. C’est un terme très vague qui peut ajouter un dé dans nombre de situations sans réelle distinction ni indication sur l’impact de ce terme. Et dans NCO, c’est le cas pour plusieurs autres termes/traits/tags.
J’ai l’impression que Nathan R. en a pris conscience et tout cela sera précisé dans sa dernière production : Tomorrow City.
Ceci dit, dans l’ensemble, NCO est extrêmement jouable. Il suffit de prendre n’importe quel module cyberpunk et NCO l’adapte en un tour de main. Pour du Shadowrun en revanche, il faudra produire un effort d’adaptation en lorgnant peut-être vers le Earthdawn FU où sont caractérisés certains peuples tels que les nains.
Note : j’ai cependant préféré Altered States du ICRPG pour son côté plus hardboiled et pour son système de résolution.
Franchement, NCO mériterait une nouvelle édition révisée qui intégrerait les précisions et nouvelles règles des deux autres productions. Je pense à la règle de « Pression » de Tomorrow City qui collerait parfaitement à l’esprit cyberpunk, ainsi qu’aux définitions précises de tags d’équipement ; ou à la règle de poursuites, mais aussi à celle des liens de Hard City. Peut être tout cela dans un hypothétique cinquième livret. Il ne manque pas grand-chose pour que NCO devienne un must-have.
Passons à Hard City
Chez Osprey, est arrivé par la suite HARD CITY simulant le genre Polar Noir dans les années 1930-1950. Plusieurs petits changements ont alors lieu par rapport aux règles de NCO, afin de coller au mieux à la saveur du genre.
- Un Edge de plus lors de la création (4 dans NCO, 5 dans HC) : c’est mieux car cela donne encore plus de possibilités et de relief au personnage.
- Une règle sur la logique de lien entre personnages ou lieux est introduite : très simple et efficace.
- Les points de héro (stunt dans NCO, Moxie dans HC) et les points de vie (GRIT) ont un maximum augmenté jusqu’à 6 : là encore c’est mieux.
- On ne peut plus échanger à la création des points de Héro contre des Edges : moins bien.
- Les points de héros se récupèrent différemment pour coller au genre.
- L’initiative ne se base pas sur un lancé de dé, mais sur le type d’action choisie, toujours pour mieux coller au genre et l’ambiance. Dans Tommorrow City, on revient au lancé de dés.
- Hard City ne reprend pas la très bonne règle de leverage de NCO.
- Les points d’expérience sont gagnés et dépensés différemment pour coller au genre.
- Les blessures fonctionnent un peu différemment de NCO (et de TC) puisqu’on va directement à la blessure sans passer par la zone tampon des points de coups/vie (Grit).
- Le générateur d’enquêtes et de missions est propre au genre.
- On note également, quelques adaptations de terme pour coller au genre. Certaines vont se répercuter sur TC.
Je trouve que la maquette de HC est moins inspirée que NCO, mais toujours ultra-lisible et claire. En revanche, la couverture est vraiment réussie et donne le ton. De même pour les quelques illustrations intérieures dont certaines en pleine page.
Avec 28 métiers et 22 stéréotypes, le genre « Polar Noir année 30-50″ est largement couvert, et il vous sera difficile de ne pas pouvoir émuler tel ou tel film, ou sous-genre. Comme pour NCO, chaque Trademark est donné avec ses tags/traits (trigger dans NCO) et ses faiblesses (flaws).
J’ai également apprécié le travail de synthèse autour de l’univers du Polar Noir. C’est très efficace, exhaustif et inspirant. Nathan R. y aborde nombre de concepts propres à cet univers des films noirs du milieu du XXᵉ siècle. Pour cela, il imagine une cité sans nom dans les années 1946. Une sorte de bac à sable qui va permettre d’exploiter le genre le plus largement possible. Chaque chapitre est court et concis, offrant des directions à prendre. Rappelons que l’ouvrage format A5 fait 161 pages avec une maquette aérée. C’est le credo de Nathan R.
Par rapport à NCO, on trouve dans HC, la régle des Ties – présente également dans TC – qui permet d’établir des liens positifs ou problématiques entre les personnages ou par rapport à des lieux. La mécanique est simple puisqu’il s’agira de remplir des blancs dans des phrases propres au contexte de l’univers.
Aspect fondamental du genre noir, l’investigation est traitée en un court paragraphe qui stipule qu’une information sera trouvée si elle le doit : un peu comme dans Gumeshoe. Le test indiquera uniquement si l’information a de la valeur, ou s’il y a une contrepartie ou une difficulté supplémentaire à venir. Là encore, la simplicité paye pour aller vers l’efficacité.
À l’inverse, la règle d’interrogatoire, va demander un test étendu pour obtenir des informations. Il faudra cumuler trois succès (OUI et OUI MAIS) pour vaincre l’opposition à l’interrogatoire.
Le même principe est utilisé pour l’argumentation (bien qu’un seul succès soit possible dans ce cas)
La construction d’une enquête et d’une mission avec ou sans MacGuffins font l’objet de chapitres (toujours courts) qui mènent directement à un générateur d’histoires et de twist.
Il y a peu de JdR sur ce thème, du moins c’est une niche par rapport à d’autres genres plus invasifs. Certains d’entre eux proposent des mécaniques plus ou moins complexes pour simuler l’atmosphère des enquêtes. Je pense au Café Noir de Doc Dandy qui réussit à rendre l’esthétisme et l’atmosphère du genre avec une base relative à l’OSR. Ce n’est pas vraiment le cas avec Hard City qui reste plutôt en surface, mais avec un travail d’analyse des stéréotypes bien pensé et, de mon point de vue, un peu supérieur à Café Noir qui reprend le dessus sur bien d’autres points.
Je pense qu’à l’aune de Café Noir, Nathan R. aurait pu introduire des mécaniques mieux ciblées pour encore mieux émuler l’ambiance.
Mais globalement, ce Hard City n’a pas à rougir et peut prétendre au podium des JdR appartenant à cette niche, sans viser la première place tout de même.
Passons maintenant à Tomorrow City
Avec cette nouvelle cité, Nathan R. clarifie et consolide encore plus le système de règles Action Tales!. À noter que sur HC et TC chez Osprey, le nom du moteur de jeu n’est jamais sité. Hum !
Personnellement je classe cette production à la première place. D’une part en raison de règles plus abouties, mais aussi l’univers présenté à base de Diesel Punk.
Dans TC, le « Grand plus » pour moi, c’est la déclaration des effets ou conséquences des Tags attribuée aux équipements de combats ou aux véhicules. Avec ces précisions, tout devient très cohérent et plus facile à maîtriser, tout en conservant la même mécanique de jeu. Ainsi le tag deadly ajoute maintenant clairement +1 de dégât ce qui évite soit de créer sa propre règle, soit se creuser la tête pour narrer l’effet de ce tag.
La règle de Mastery est enfin arrivée. En effet, cela me gênait un peu qu’un tag/trait/trigger assimilé à une compétence n’est pas une petite variante en fonction du degré de maîtrise de la compétence ou du métier, bref que l’on ne puisse pas clairement produire de spécialiste*. Dorénavant avoir l’avantage « Roll with Mastery » dans une action identifiée lors de son jet de dés permet de relancer un Action die avant comparaison avec les Danger Die.
*Note : une méthode posssible autre que « roll with mastery » fut pour moi, lors de mes sessions sur Hard City, d’ajouter via l’achat par XP, d’un tag nommé de « maîtrise d’un autre Tag ». Cela ajoute un dé d’action au tag « maîtrisé ». Mais cela a pour effet d’augmenter la main de dés à l’inverse de Roll with Mastery.
Déjà évoquée, la règle de Pressure est une sorte de « Doom Pool » qui augmente lentement avec les Danger die non annulés et ayant une valeur de 6. Une fois la pression de 6 atteinte, une complication survient. Une mécanique pas nouvelle, mais que j’aime toujours, car elle apporte de la tension et surtout du rebondissement à la table. Clairement, Hard City aurait mérité l’implémentation de cette règle.
Autre nouveauté, voire même amélioration, les statblock des menaces/adversaires/monstres introduisent le niveau de danger de FU 2.0 qui représentera le minimum des dés de dangers à prendre en compte. C’est une amélioration très positive car cela facilite la maîtrise de l’équilibre des confrontations. Le bestiaire est encore une fois intéressant et utile.
Tout cela pour dire que TC, question règles, apporte son lot de mécaniques qui aident à la maîtrise. Le moteur de jeu est un peu plus dense. Pour preuve : la feuille de personnage qui passe de 1 page pour NCO et HC à deux pages pour TC.
La cité ! Cette fois-çi nous sommes dans un bac à sable dystopique inspiré du 1984 de G.Orwell. Nathan R. annonce un genre Diesel Punk calé dans une période hypothétique entre première et seconde guerre mondiale du XXe. On trouve dans cet univers des automatons et des robots, un super ordinateur (« Mère ») qui guide la cité, de la science bizarre ouverte à toutes sortes d’avancées comme des membres artificiels performants, de la robotisation en tout genre, des machines géantes type mecha, un sérum pour booster les performances, et surtout une énergie étrange pouvant pervertir la réalité et ouvrir sur des dangers venus de l’autre côté. A l’instar de Hard City, on trouve des grandes factions interagissant entre elles au coeur de la cité : des ministères, des cultes et des sociétés secrètes. Le côté film noir Pulp est incorporé avec la possibilité de vigilant et de détective privée ainsi que de mafia. Les districts de la cité permettent d’offrir une large palette d’ambiance et d’accroches narratives.
La description de la cité tient en tout et pour tout sur 40 pages. Comme à son habitude, Nathan R. donne les principales informations pour que chacun puisse se faire sienne la cité. Cela reste un bac à sable, une ossature que l’on va pouvoir habiller et animer comme on le veut dans le paradigme donné. C’est, comme pour les autres productions, court, concis, inspirant.
Côté illustration, c’est très correct, mais comme pour les autres productions, assez parcimonieux. La couverture est encore une fois une réussite, selon mes goûts bien entendu.
Star Scoundrels
Assurément Nathan R. aime Star Wars puisqu’il s’est fendu d’un 32 pages pour vivre des aventures de space opera dans la peau de mercenaires/rebelles style « Rogue One » et sans Jedi ou Pouvoir. Du Action Tales! très pur, quasi à l’os sans les mécaniques les plus originales de NC, HC, et TC. Pour 4$, le pdf vaut pour sa partie vaisseau spatiaux, mais guère plus dans un marché saturé sur le sujet.
C’est assez dispensable, mais pour le plaisir d’utiliser le système et d’adapter facilement des modules de jeu Star Wars sans Jedi : ça le fera ! On dirait presque un essai avant d’approfondir le sujet (voir maj ci-dessous). Pourquoi pas une quatrième production des Cités dans le genre space opera…
(Maj du 5/5/24 : la version 1.5 est arrivée en Mai, augmentée de 20 pages avec plus de Trademarks et des petits scénars. L’essai tendrait donc à se transformer lentement en un JdR plus abouti… à suivre).
En conclusion
Nathan Russell est très en forme en ce moment. J’ai l’impression qu’il fait progresser son moteur Action Tales! par petites touches au gré de ses productions. C’est officiellement un built de FU 2.0, mais il semble avoir la préférence de l’auteur. Jusqu’à présent, Nathan Russell fait un sans faute quant à ses choix de « cités ». Son Cyberpunk est bien construit, même si on en aimerait un peu plus (mais ça vient dans un supplément). Son choix sur le genre Polar Noir est bien vue dans un genre de niche. Mais c’est Tomorrow City (TC) qui reste le plus enthousiasmant. Il y a le lore qu’il faut pour formaliser un bac à sable avec une multitude de possibilités. J’aime ce genre de produits concentrés, avec juste le fluff qu’il faut en quelques pages.
Concernant le moteur, ma préférence va à l’enrobage de TC. Je trouve que c’est la version la plus aboutie à ce jour, car elle se rapproche de FU 2.0
Cependant, vous l’aurez compris, la motorisation d’Action Tales! ne me convainc pas vraiment !. Notamment en raison de son échelle de résultat.
Le OUI MAIS prédomine de trop dans les probabilités. Avec l’échelle de FU 2.0, le OUI et le OUI ET ont plus de chance cumulée de survenir que le OUI MAIS seul. C’est pour moi nettement plus agréable en termes de jeu.
Le OUI MAIS c’est vite lassant, voire usant à toujours chercher à ajouter une difficulté.
Note : il suffit de décaler les valeurs pour changer la donne. Le 4 reste sur OUI MAIS, et le 5 et 6 passent en OUI. Procédé sans douleur et ça va immédiatement mieux. Et pour tout vous dire, je transformerais bien le 3 en NON MAIS. Bref, très proche de l’échelle de FU 2.0. Mais pourquoi ne pas avoir pris FU2.0 directement, Nathan ?
Je ne suis pas fan non plus de l’impossibilité de graduer les niveaux de mots-clefs. Certes, on ajoute des Edge pour élargir chaque Trademark, mais je ne trouve pas cela assez net du point de vue de la description et de la comparaison de puissance.
Note : là encore, il est assez simple de résoudre cela en ajoutant des superlatifs aux mots-clefs. Super, Ultra, Mega, Hyper, etc. Chaque superlatif proposant une mécanique de différenciation. Ou encore, ajouter le terme « Niveau », toujours avec une graduation d’effets supplémentaires.
Par exemple, un Cyber-bras peu avoir un Edge « crush » avec une main en acier, puis passer en « Super Crush » avec une main équipé de tendon en nano-carbone, puis Ultra crush avec des nano-moteur en titane etc. . On peut imaginer que chaque superlatif ajoute un dé d’action selon l’action (s’accrocher), ou bien un +1 en termes deeffets/dégâts (broyer).
De même, la mise en place narrative de « dés de danger » peut ne pas être des plus aisées, limite lassante à la longue en évaluant chaque aspect négatif.
Note : il est de nouveau assez simple de palier cela. En reprenant simplement l’idée de FU 2.0 (encore oui!) à la section « Toughness Track Tough » qui propose une échelle de danger en nombre de dés de danger possibles. Une sorte de valeur de difficulté globale à la Index Card RPG. Finalement, on retrouve cela dans Tomorrow City avec le « Danger rating » des adversaires. Mais, pourquoi ne pas rester sur du FU 2.0 Nathan, pourquoi ?
Alors oui, le système sur le papier est agréable à lire et donne envie. Mais vous l’aurez compris, j’ai du mal à comprendre pour quelle raison ne pas utiliser directement FU 2.0, sinon peut-être réduire la taille des règles ou jouer sur des probabilités…
Action Tales! à l’usage n’est pas pire, certes. Il faudra aimer les poignées de dés (non inflationniste tout de même). Quant à la lecture des résultats, bien que rapide, elle n’est pas immédiate comme sur un d20, mais plus simple que sur du GENESYS par exemple.
J’avoue que, pour l’instant, Questworlds, par certains côtés, me convient mieux. Notamment peu de dés, et des niveaux clairement définis.
Les JdR de Nathan Russell sont bons, mais le moteur d’Actions Tales! est une fausse bonne idée selon moi, et son OUI MAIS dominant lors des succès, un vrai frein (néanmoins, très facile à modifier). D’ailleurs je trouve que l’échelle officielle d’Action Tales! serait plutôt une version presque légèrement « gritty ».
En REVANCHE, en l’ETAT, l’hybridation JdR de Nathan Russell avec Questworlds en tant que motorisation pourrait être intéressante. Nathan Russell a fait, pour nous, le boulot sur les mots-clefs ; plus qu’à l’utiliser dans Questworlds.
Inversement, la mécanique de « Grid »(Point de Vie) d’Action Tales pourrait être un apport positif dans Questworlds.
Donc OUI pour le travail autour des thèmes, mais NON pour l’utilisation du moteur natif vanilla de NCO, HC et TC.
J’attends de voir si Nathan Russell livrera une version définitive de FU 2.0 (la bêta n’en est pas loin), et de voir la version officielle de Questworlds, pour évaluer définitivement ces deux moteurs à mots-clefs.